Derrière chaque ombre se cache une lumière. [Flashback, Shieru]

Je retiens mon souffle, et observe.

Le Pays des Vagues est un archipel proche du Pays du Feu. D'habitude, il fait appel au ninjas de Konoha en cas de problème, mais cette fois-ci, c'est au tour d'Iwa. Je n'ai pas très bien compris l'intérêt de demander notre aide : si Konoha n'est pas en mesure d'y répondre parce que leur ninjas sont trop occupés, pourquoi ne pas avoir fait appel à l'autre village le plus proche, Kiri ? Raah, la politique, tout ça me dépasse. Une chose était sûre : je m'étais vue attribuer une mission solo là-bas.

A peine sortie de chez moi qu'un coursier m'a remis un ordre de mission à l'étranger. Ca tombait justement à pic, j'avais prévu de repartir du village assez rapidement depuis mon retour de la dernière. Rester trop longtemps au même endroit me fatigue, et m'ennuie assez.. J'ai quand même bien écarquillé les yeux en voyant que c'était presque à l'autre bout du continent ! Je ne m'y étais encore jamais rendue, mais il faut une première fois à tout. Ma mission consiste à prendre des renseignement sur un médecin qualifié de 'louche'. Beaucoup de choses étranges se déroulent autour de lui. Lui aussi aime bien bouger, il a fait le tour d'une dizaine de petits villages depuis presque un an. Seulement, après son départ d'un village, certains des villageois deviennent.. Comment dire ? Inhumains. Certains perdent la tête, d'autres leur intégrité physique. Au début, les autorités sanitaire pensaient que c'était une coincidence. Mais ils commencent à se poser de sérieuses questions, d'où la mission. Je dois retrouver ce médecin volatile, et déterminer ou non si il est la cause de ces malades et morts étranges.

Il est encore long ce pont ? La question que je me pose depuis un sacré moment. Le Pont Naruto, un vieux machin qui date de plus de 300 ans ! Ils auraient pu un peu mieux le rénover au moins, certaines parties tombent en miettes. Après les forêts interminables du Pays du Feu, là c'est le pont. Je suis servie par la monotonie, génial. Je croise quelques personnes de temps à autre, principalement des marchands. Voyant le bout à quelques centaines de mètres, j'accélère le rythme. J'ai hâte de retrouver un minimum de population, je ne me suis que rarement arrêtée depuis mon départ. La terre ferme, à nouveau ! Je dois maintenant me balader dans l'archipel. Cette mission n'est pas assez nette et précise à mon goût, c'est pourquoi j'ai décidé de faire un petit saut dans quelques uns des villages touchés, histoire d'avoir des infos plus concrètes. D'après la carte que j'ai fourré dans ma poche en partant, le 1er village à visiter se trouve sur cette île-ci, à quelques kilomètres. Je me retourne vers le pont et la mer, rajuste ma cape, respire un bon coup et c'est parti !

Le village de Maebashi, selon la carte, est quand même assez vaste, bien que vétuste. La population n'est pas très active, j'imagine que c'est parce que la plupart d'entre eux sont des pêcheurs, ils doivent donc être en mer. Quelques marchands proposent du poisson sur leur étalage. Je m'approche du premier, puis reprends vite ma route. Les poissons d'eau de mer sont drôlement.. horribles ! Je me suis presque effrayée en posant les yeux dessus. Mais qui peut bien manger ça ? J'ai encore l'image d'un poisson rouge à la forme étrange et aux yeux trop globuleux et exorbités à mon goût. Beurk. Je fais le tour du centre-ville plutôt rapidement, sans m'approcher de trop près des choses qu'on appelait poisson ici.

Bon. Pas de fous, pas de démembrés, pas de monstres... Je commence à me poser de sérieuses questions sur cette missions ! Je décide de mettre les choses au clair et m'approche de la passante la plus proche, une vieille dame au dos voûté par l'âge, passant tant bien que mal le balai devant sa porte.

- Bonjour ! Excusez-moi, mais on m'avait dit que c'était dans ce vill..

- Ô miséricordre, arrêtez-vous là, ma petite ! La Malédiction, c'est la Malédiction je vous dis ! Partez, vite, ou vous aussi vous serez touchée !

- Mais, attendez, le Dr..

- Dépéchez-vous, reprenez votre route, ce village est maudit !

Ben là voilà, ma folle. Je soupire, et fais demi-tour. Il est vrai qu'en y prêtant plus attention, la population paraît effrayée et à cran. Les villageois ne se parlent que par nécessité : pour acheter, vendre.. Pas de blabla inutile. Serait-il possible qu'ils ne soient pas au courant pour les autres villages ? Possible, après tout, la communication entre les îles d'un archipel n'est pas toujours très évidente. En tout cas, je dois passer au village suivant, rester ici ne donnera rien de concluant. Mais d'abord, je repasse par le centre-ville, je dois me ravitailler. La fin d'après-midi approchant, les rues sont déjà plus remplies. La rue principale l'est tellement que je me fais marcher sur le pied, trébuche à moitié tous les deux mètres, et fini par foncer sur quelqu'un, de dos. Ne voulant pas vraiment d'ennuis dès mon arrivée, j'opte pour la solution la plus sage : m'excuser. C'est donc ce que je fait avant même que l'inconnu ne se retourne.

- Oh, veuillez m'excuser, j'ai trébuché !

- Qu.. Qu.. Mais.. Oui d'accord.

Si je m'y étais attendue, je n'aurai sûrement pas bégayé comme ça ! Shieru.. Immédiatement, je souris. Ainsi, nous nous recroisons. Espérons que cette fois-ci, nous n'aurons pas à abattre une personne politique comme lors de notre rencontre à Ame ! En y repensant, je m'étais bien fait tapé sur les doigts en rentrant à Iwa après cet épisode. Je n'avais pas été présente pour les funérailles de mon père, et ma prise de position à Ame a assez déplu aux membres du clan. Les rites et la politique.. Pures âneries !

Nous nous dirigeons tranquillement vers l'extérieur du village. Sans parler. Lors de notre dernière rencontre, ces moments de silence étaient vraiment tendus. A présent, je les trouve assez.. normaux. Ils me permettent de me remettre les idées en place. Mais d'abord, qu'est-ce qu'il fait là lui ? Certes, nous sommes assez proches de Kiri, très certainement plus proches de Kiri que d'Iwa, mais moi je suis en mission. Que fait le Mizukage, encore seul et sans escorte à l'extérieur de son village ? Cet irresponsable de première ! Bon, après tout, il est vrai qu'il n'a pas vraiment besoin de gardes du corps.

Le village est entouré de champs, principalement de céréales. Le paysage me paraît un peu plat, moi qui suis habituée aux falaises, montagnes et hautes altitudes. D'ailleurs, même l'air est différent ici, salé. Sans réfléchir plus que ça, je continue de marcher sur le chemin, direction le prochain village. Ca ne dérangera sûrement pas le Mizukage de faire un peu de route. Tout en marchant, je commence à parler.

- Je ne m'attendais pas  te croiser ici tu sais. On m'a affecté une mission il y a quelques jours. Je suis à la recherche d'un médecin, il faut que je vérifie s'il a un lien avec la folie qui gagne ce pays. Et toi, pourquoi es-tu là ?

La nuit tombe doucement. Nous n'étions cependant pas seuls. Les paysans. Je suis tellement à cran qu'en voyant leurs ombres l'étendre sur le sol, je m'imagine déjà qu'ils vont nous sauter dessus comme le feraient des zombies affamés. Mais non. Ils rentrent simplement chez eux. Voûtés, le visage terne et creusé, ces hommes et femmes ressemblent plus à des zombies qu'à des humains. Plus personne ici n'a d'énergie.. Serait-ce lié à ma mission ? Je pense que j'en ai assez vu, même si c'est peu, ça me suffit pour comprendre qu'il y a quelque chose de louche ici. Je vais donc me rendre directement au dernier village où devrait se trouver le fameux médecin.

- Toi qui a l'air de connaître le coin.. Sais-tu où se trouve le village Hamamatsu ?


[Désolée mais vraiment aucune inspiration aujourd'hui ): ]

Les paroles du Kirijin me font pouffer de rire. Il a l'air bien plus gêné que moi à l'idée de passer la nuit dans la même chambre. Chose qui, personnellement, ne me dérange pas. Ayant cohabité pendant des années avec des hommes au Temple, je partageais ma chambre avec Shin, avant sa mort. Ce souvenir me serre la poitrine, mais je l'éloigne très vite de ma conscience. Beaucoup de choses plus importantes requièrent mon attention. Comme par exemple son histoire d'élément 115. Qu'est-ce que c'est que ce truc ? Une arme, ou autre ? Aucune idée, mais si Shieru le cherche, ça ne doit pas être très.. recommandable. J'espère que s'il le trouve, il en fera bon usage. Mes yeux se portent sur sa griffure. Profonde, il doit la sentir passer. Je m'en étonne assez, une espèce de monstre capable de le blesser ainsi, et en liberté en plus. Ce Pays des Vagues est devenu trop dangereux. Pas étonnant que la population chasse les étrangers.

Je m'approche du Kirijin et me baisse pour observer cette griffure de plus près. Vu la hauteur, le monstre qui l'a attaqué doit être quadrupède. La griffe était sale, et assez recourbée. La blessure me fait penser à celle que pourrait infliger un ours des montagnes, à quelques détails près, celle-ci est plus nette et moins épaisse. Comme celle d'un gros chat en fait. Oh, mais, attendez.. Ah. Je soupire, grinçant des dents. Ce...

- Crétin ! Mais t'es aveugle ou quoi ?! C'est infecté !

Me retenant tant bien que mal de le baffer. Je sors de mon sac un petit pot en terre cuite. Pour une fois, j'avais bien fait de l'emmener ! D'habitude, je le laisse traîné quelque part à la résidence. Je soulève le couvercle et vérifie le contenu, histoire de ne pas être la cause accidentelle de la mort du Mizukage. Chose faite, je lui balance afin qu'il l'attrape.

-Pommade fabrication maison. Tu appliques généreusement sur la plaie ce soir.

Je le toise encore une bonne fois pour qu'il comprenne mon mécontentement. Cette pommade est celle qu'il m'aurait fallu, il y a maintenant plus d'un an. Si j'en avais eu, ne serait-ce qu'un petit pot, peut-être aurait-il survécu ? Raah, je me secoue mentalement et reprends le contrôle du présent. Nous avions commencé notre route en direction de l'auberge. A l'entrée, je lui fais un signe de la tête pour lui faire comprendre qu'il pouvait aller vérifier sa dite-chose, puis m'engouffre dans la bâtisse. Typique, une auberge typique. Et pourtant, elle est.. magnifique. Du moins, si elle n'était pas si sale ni laissée presque à l'abandon. Je prends une chambre : à quoi bon en prendre deux si nous avions l'intention de parler ? De plus, je n'ai pas l'intention de dormir, mais plutôt de veiller.

En entrant dans la chambre, je me débarrasse de ma cape de voyage, me débarbouille et sort sur la terrasse. Je m'assois sur la rambarde et observe le paysage. Nuit noire. Je ferme les yeux.

Mes pensées reviennent au médecin. Si j'admets l'hypothèse qu'il soit à l'origine de ce Halloween géant : pourquoi ? De nombreuses raisons se bousculent dans ma tête. Peut-être pour lui-même, pour devenir puissant, respectable. Pour son pays, afin que les Vagues puissent rivaliser avec les grandes nations ninjas. Pour autrui, a la solde d'une personne bien plus importante, ou d'un groupuscule. La question suivante est : comment ? Enfin, pourquoi aspirer l'énergie de la populace, et transformer certains civils en monstres ? Des expériences qui ont mal tourné peut-être, ou bien simplement une volonté de créer le chaos, faire naître la peur, la soumission.

Il n’avait pas mis très longtemps pour rentrer à l’hôtel. Bon ou mauvais signe ? Plutôt bon, ça veut dire qu’il n’a pas eu d’accrochage particulier. Ainsi, des espèces de loups-garous se promènent ici la nuit. J’espère seulement qu’il n’y aura pas trop de grabuge, il faut terminer cette mission au plus vite. Je me lève de la rambarde et retourne à l’intérieur. Maintenant que j’y fais plus attention, l’endroit sent le renfermé. Pitié, pas de cafards, pas de cafards ! Soudain, je dresse l’oreille : des cris. Inhumains. Shieru ne doit pas les entendre de la salle de bain, avec l’eau qui coule. Sûrement des amis de la chose qui s’en est prise au Kirijin. Mais à quoi joue cette espèce de médecin fou ? Transformer des gens en monstres, et enlever toute l’énergie à d’autres. Ca n’a pas de sens, enfin, je n’en vois pas la raison pour l’instant . Il faut retrouver cet homme au plus vite.

Encore en plein dans mes pensées, je ne prends pas la peine de répondre à mon nouveau ‘colocataire’ comme il l’a si bien dit. Je ne sais pas si c’est une bonne idée de rester au même endroit trop longtemps, mais nous aviserons le moment venu j’imagine. Je m’avance vers lui et attrape la serviette pour lui enlever le reste de mousse. Situation assez comique qui m’arrache un sourire. Sensé être le ninja le plus puissant de son village, et incapable de se faire sa toilette tout seul à cause d’un miroir sale ? Je ramène la serviette dans la salle de bain et en revenant dans la pièce, je m’arrête pour détailler le Kirijin. Lui, vouloir veiller cette nuit ? Avec son visage de déterré, deux énormes cernes violettes et une super griffure à l’abdomen ?

- Regarde-toi un peu, t’es dans un état si misérable que je pourrai moi-même te mettre au tapis. Je monte la garde. Mais d’abord il faut nettoyer ta plaie, mettre la crème et bander tout ça..

Je soupire en voyant son air. Il ne devait pas vraiment connaître les moyens plus ‘naturels’ que le chakra pour guérir. Et pourtant ! Beaucoup de médicaments sont faits à partir des plantes. J’ai eu la chance de participer à un stage privé avec les médecins d’Iwa, une fois, en mission. Je les avais accompagné chercher des plantes dans les montagnes. Mais bon, après, venant de Kiri.. Je ne connais pas les herbes marines, alors dire si elles sont utiles ou non, aucune idée.

- Raah, et je parie que tu ne sais pas nettoyer les plaies non plus, si déjà t’as loupé l’infection ? C’est pas croyable que tu sois encore en vie toi ! Bouge pas, je vais te le faire mais t’as intérêt à prendre note, parce que ça n’arrivera pas deux fois !

Je cherche dans mon sac ce qui pourrait me servir. J’en sors un t-shirt. Hors de question d’utiliser les vieilles serviettes de l’hôtel. Sacrifier un vêtement ne me dérange pas plus que ça, en plus, je l’aime pas celui là. Retournant à la salle de bain, je mouille le tissu et le savonne, puis retourne vers Shieru. Je fléchis pour arriver à la hauteur de sa plaie infectée, puis nettoie petit à petit les contours, essayant au maximum de ne pas mettre de savon dans la plaie. Chose faite, je repasse dessus mais cette fois-ci avec de l’eau sans savon, pour rincer. J’attrape le pot en terre cuite et l’ouvre. Une odeur de fleurs sauvages typiques du pays de la Terre s’en échappe, me faisant repenser aux montagnes tandis que j’applique la pommade. Une fois terminé, je referme le pot, me rince les mains et lui met un bandage.

- Voilà ! Maintenant va dormir, tu ressembles vraiment à un cadavre ambulant. Et la pommade contient des plantes qui vont t’assommer quelques heures..

- Mission de Rang A ou S ? Qu’importe, je ne suis ici que pour recueillir des informations, je n’ai pas le droit d’intervenir. Ma mission est de découvrir ce qui se trame et d’en faire un rapport au village. J’imagine que je devrai attendre une escouade des forces spéciales d’Iwa si nous décidons d’intervenir.  Je n’ai pas vraiment le pouvoir de prendre des décisions aussi importantes depuis notre dernière rencontre.. le fait d’avoir aidé les rebelles à Ame sans autorisation n’a pas beaucoup fait plaisir aux vieux sages. Ce n’était pas à moi d’intervenir et j’aurai pu créer de graves problèmes diplomatiques, ont-ils dit. Ma famille a été plus tranchante à ce sujet, surtout parce que je n’ai pas assisté aux funérailles de mon père.

Je m’arrête là. Lui raconter la véritable punition que j’avais eue à mon retour au village ne serait que du gaspillage de temps et de salive. La plupart des membres du clan sont comme mon père. Fiers, machos, bornés comme des mules, mais puissants. Ils me regardent déjà d’un mauvais œil depuis que je suis revenue du Temple, racontant que j’ai déshonoré mon nom à qui veut l’entendre. La remarque en elle-même ne me touche pas plus que ça, mais j’aurai préféré passer inaperçue. Avoir en plus rajouté une histoire de prise de position politique et mon absence aux funérailles sur la liste de mes ‘méfaits ‘ était vraiment mal passé. J’avais donc perdu autorité et crédibilité avec cette histoire. J’avais même eu droit au Conseil de clan pour répondre de mes actes. On me donne mission sur mission pour éviter de me voir traîner au village ou dans le domaine Kurotsuchi. Mais ils ont fait bien pire, ils m’ont pris Sora et l’ont enfermé dans une cage scellée. Aussi absurde que cela puisse paraître, c’était leur seul moyen de me soumettre. Je suis sensée le récupérer une fois cette mission terminée. Cependant, je préfère ne pas en parler au Kirijin. Il n’a pas besoin de savoir ça, il n’en est pas responsable et ce sont mes problèmes, pas les siens. Et après tout, le Mizukage a d’autres chats à fouetter !

Gros soupire en pensant à mon gros dindon encore enfermé depuis si longtemps. Sa présence m’est nécessaire, il faut avouer qu’il me manque terriblement..  Mon esprit a tendance à bien trop vagabonder lorsque le volatile n’est pas là. C’est mauvais, je risque de franchir la ligne à tout moment lorsqu’il n’est pas là pour me ramener sur terre. Peut-être que ma folie ressemblerait à celle des habitants de cet étrange archipel ?
Je m’assois sur le lit et détaille Shieru. Lors de notre première rencontre, il m’avait fait penser à un gamin, décontracté voire presque de bonne humeur. Il a bien changé. Ne pas dormir trois jours durant ne lui donne pas beaucoup de classe. Cette remarque narquoise me fit sourire tandis que de nouveaux cris retentissent. Je me sens frissonner : ces cris-là étaient humains, des cris d’agonie. Mais nous ne pouvons plus rien faire à présent. C’est vraiment un pays de fous ici ! J’espère que leur mal n’est pas contagieux, sinon on est mal barrés. Mes yeux se posent sur le bandage. Et si jamais le Kirijin avait vraiment été contaminé ? Il causerait tellement de dégâts que le seul moyen de le stopper serait de le tuer. Cette réflexion me fait tilt.

- Tu penses qu’il y a quelque chose comme un antidote pour ces gens ? Ou bien qu’ils sont condamnés ? Il n’est pas possible de les laisser indéfiniment se transformer en monstre, il faudra se résoudre à les abattre s’il n’y pas d’autre solution.

Je marque une pause. Mon esprit a été vraiment lent sur ce coup et je m’en rends à peine compte.

- Mais attends une seconde, tu veux m’accompagner ou je rêve ? Je te préviens, je suivrai les instructions à la LETTRE ! Hors de question de me mettre encore une fois dans une situation pourrie comme la dernière, compris ? Ah, et vu que je suis là pour avoir des infos, tu avais quelque chose à m’expliquer ?

Son ton accusateur et surtout ses paroles me piquent à vif. Je suis bien consciente de n'être qu'un pantin dans cette histoire, mais le choix ne m'appartient pas. Soutenir son regard me fait mal. La honte. Oui, c'est le mot qui convient. J'aimerai lui dire que je suis de son avis, même si mes actions sont à l'opposé. Cependant, il est hors de question que je lui parle de Sora, il ne comprendrait pas. Il me dirait d'aller le libérer de force ou n'importe quoi d'autre, sauf de capituler. Mais je suis tellement proche du but ! C'est pour ça que je déteste les responsabilités. Avoir la vie, que ce soit d'un humain ou d'un animal entre les mains, c'est bien trop dangereux. Quand je pense que ces gens sont de mon sang.. j'en ai encore plus honte. Je ne peux par contre pas leur reprocher d'avoir agi ainsi : leur priorité est de protéger le clan sur tous les plans, et j'ai merdé.

Ce sont les cris qui me font sortir de ma léthargie. Je me lève à la suite du Kirijin et attrape les deux innocents qui avaient imploré devant la porte. Le temps de les asseoir sur le lit et de les calmer, je garde un œil sur la porte toujours ouverte. Je ne rêvais pas. Shieru a bel et bien changé d'apparence. Cette transformation me laisse pantoise mais je n'ai pas le temps de m'en préoccuper pour l'instant. Son combat contre les monstres fait assez de dégâts dans l'auberge. Décidément, tout détruire sur son passage doit être habituel chez lui.

- Maman ! Maman.. Mais maman, qu'est-ce..

Je me retourne, alarmée. Ma logique ne fait qu'un tour. La mère du gamin se transforme elle aussi. Si je ne l'arrête pas avant la fin de la mutation, je ne suis pas sûre de la suite des événements. J'attrape l'enfant et l'enferme dans la salle de bain, ne voulant pas qu'il assiste à ça. J'ai le temps de soupirer en regrettant d'avance mon futur geste, puis attrape un kunai dans l'une de mes poches et le lance dans la poitrine de la pauvre femme. Un auréole de sang grandit à travers ses habits et son regard se perd dans le vide. Je recouvre le corps avec un drap d'un geste rapide. L'enfant n'a pas besoin de voir le cadavre de sa mère. Je sais d'avance qu'il me haïra jusqu'à la fin de ses jours, même si ce que j'ai fait était nécessaire. Mais comment est-ce possible ? Cette femme avait pourtant l'air tellement.. normale ?! Je ne comprends plus rien. Et le gamin, est-il lui aussi prêt à se transformer ? A peine le temps d'y penser que la porte de la salle de bain s'ouvre à la volée. Je me glace d'horreur. Oui, lui aussi était devenu un monstre. Tandis qu'il s'apprête à l'élancer avec l'intention de me tailler en pièce, je prépare ma défense.

- Katon Heki !

Le monstre passe à travers la barrière de feu, mais a seulement quelques brûlures. Shieru avait raison en me disant qu'ils sont coriaces. J'attrape ma sacoche en vitesse et balance des kunais explosifs à la volée afin de le faire se replier au possible vers la salle de bain. L'un d'eux arrive à le toucher, ce qui le ralentit. J'en profite sans réfléchir.

- Doton, Ganban Kyuu.

Un dôme de pierre se forme rapidement autour du monstre. Je me concentre afin d'accélérer au maximum la vitesse des murs qui peu à peu se rapprochent jusqu'à écraser l'enfant-monstre. Une coulée de sang dégouline sur le sol, c'est fini. Je me relâche quelques secondes, histoire de mettre les choses au clair avec la situation. D'autres vont arriver sous peu, et je n'aurai jamais assez de chakra pour arriver à bout de ces monstres en même temps. Il est hors de question que je compte sur le Kirijin, ses propos m'ont beaucoup trop vexé. Tss, tellement susceptible. Mais je dois avouer qu'il m'a fait enrager. La solution la plus simple est de fuir. C'est peut-être lâche, mais vital.

Profitant du court répit, je sors dans le couloir pour voir où il en est. Son nouveau look est tellement.. indescriptible. Cependant, je n'y pense pas trop. S'il fallait mettre les choses aux claires, qu'elles le soient. Je m'approche d'un pas déterminé puis me poste face à lui. Sans crier gare, ma main ne fait qu'un voyage et atterri sur sa joue, plutôt violemment malgré mes faibles capacités physiques.

- Je ne te permets pas de parler comme ça, ni de me traiter comme ça. Tu ne sais absolument RIEN.

Soudain, j'explose. Il est clair que j'aurai préféré ne pas lui faire subir ça, mais je me trouve dans un état de rage tel que je peux pas me retenir.

- Bien sûr que je veux arrêter ce massacre ! Bien sûr qu'être un de leur pantin me fait horreur ! Et BIEN SUR que je ne veux pas suivre ces ordres ! Tu n'es pas le seul à penser qu’exécuter des ordres contre sa volonté n'est pas admissible ! Mais je refuse que ce à quoi je tiens soit réduit au néant, alors si pour ça je dois jouer au pantin, je le ferai ! Si tu crois que ça me fait plaisir, détrompe-toi !!

Mes yeux coulent de larmes de haine et de frustration. A cran, je suis vraiment à cran. Je viens encore de me mettre dans une situation incontrôlable. Mais bon sang qu'est-ce que je fous ?! Baffer le Mizukage.. Il faut maintenant voir sa réaction. Il pourrait m'anéantir d'un coup, simplement tourner les talons et s'en aller, ou encore me faire un beau discours sur la foi du ninja ? Je m'en veux un peu d'avoir agi aussi spontanément, mais ce qui est fait est fait. Baisser le regard ? Oh, ça non !

Plaquée contre le mur, je sens mon pouls s'accélérer puis ralentir et ma respiration devient difficile. Je ne peux m'empêcher de repenser à l'épisode d'Ame, où le tyran avait fait de même. Je m'étais vue mourir. Je sens un frisson d'effroi me parcourir l'échine. Même si l'hypothèse de me faire tuer par le Mizukage m'avait traversé l'esprit, je n'aurai pas pensé qu'elle soit aussi proche de la réalité. Mes pupilles se dilatent d'horreur : je suis coincée. J'essaie tant bien que mal de me dégager, mais me tortiller comme un asticot ou essayer de défaire la prise sur mon cou est inutile. Plus les possibilités de m'en sortir s'amenuisent, plus mon rythme cardiaque diminue. Cherchant des yeux une autre solution mais n'en trouvant aucune, je comprends que c'est terminé. Mon corps cesse de gigoter, puis une larme coule le long de ma joue déjà bien sale suite à la mésaventure avec les deux villageois dans la chambre.

La mort que j'attends n'arrive cependant pas. Shieru me laisse retomber sur le sol comme une poupée de chiffon. N'ayant pas encore la force de me relever totalement, je lève la tête pour voir s'il a prévu de me tuer d'une autre manière, mais on dirait que non. Il a repris le contrôle de lui-même ? Visiblement.. Tandis qu'il s'excuse, je suis parcourue de petits spasmes incontrôlables. Je me recroqueville sur moi-même, les yeux vides. Etait-ce ça, un état de choc ? On dirait bien. Ma connexion avec la réalité s'amenuise, et je ne contrôle plus les larmes qui continuent de déferler sur mon visage.

Sa bise me fait l'effet d'un électrochoc, j'ai l'impression de fourmiller de partout. Alors qu'il part chercher ses affaires dans la chambre, je me remet debout. Mais comment la situation a-t-elle pu déraper à ce point ?! J'avais pensé pouvoir passer une soirée tranquillement installée à discuter, pas d'en arriver là ! Tout ça à cause de ces foutus vieux qui s'en s'ont pris à Sora ! J'aurai dû me rebeller dès le départ au lieu d'accepter de me faire mettre une laisse autour du cou. Shieru a raison. N'être qu'un pantin ne correspond pas au véritable sens du nom de ninja. Et mon plaidoyer est bien futile. N'est-ce donc pas ce que je veux ? Que chacun puisse vivre sa vie comme il l'entend ? Comment ai-je fait pour mettre tout ça de côté ? Les événements de ces dernières semaines se sont déroulés si rapidement que je n'ai pas pris la peine d'y penser, ma seule obsession étant d'obéir aux ordres de manière impeccable. Mais à quoi bon être un ninja si on ne peut pas suivre ce que nous dicte notre conscience ? De nouvelles perspectives s'ouvrent dans mon esprit. Me laisser marcher sur les pieds ne me correspond pas, et loin de là ! Je sais me défendre, alors j'irai chercher mon piaf, et ce de force s'il le faut !

Cette idée de revigore, mais mon visage doit être totalement décomposé lorsque le Kirijin m'annonce son départ. Il serait bien plus sage en effet que nos chemins se séparent ici, pour lui comme pour moi. Enfin, surtout pour moi. Alors pourquoi ses paroles me font si mal ? J'ai presque l'impression d'être trahie. Ai-je le droit de le retenir ? Je ne sais pas, mais les mots sortent tous seuls de ma bouche.

- Avec ce qui traîne dehors, mieux vaut rester ensemble, du moins jusqu'au prochain village. Je ne connais pas le coin, et tu risquerais de faire un massacre inutile si tu t'emportes encore une fois..

Maigre et plate argumentation. J'ose à peine lever les yeux vers lui. Mes excuses sont si.. nulles ! Mais ce sont les seules qui me sont venues à l'esprit. Peut-être pensera-t-il que j'ai dit ça parce que j'ai peur de me retrouver seule dehors.. Cette idée me fait me sentir comme une idiote. Tant pis, c'est fait. En y réfléchissant bien, le fait qu'il s'emporte comme ça doit être très désagréable pour lui, et est surtout très dangereux pour les autres. Je n'ose pas lui dire, mais je préfère presque qu'il se défoule sur moi plutôt que sur une population innocente. Chose qu'il regretterait sûrement après coup. Et puis, si cela devait arriver, je me vois mal retourner à Iwa et expliquer que le Mizukage soit à l'origine d'une telle tuerie. Au vue de la récente 'alliance' entre le Pays des Vagues et celui de la Terre, cela risquerait de faire éclater un conflit inutile. Certes, je pourrais raconter que je ne suis au courant de rien, mais ce serait aller à l'encontre de mon appartenance à Iwa. Bien que la plupart des membres du clan soient des monstres, le pays de la Terre reste ma patrie et ses habitants mes confrères.

Comme la réponse du Kirijin se fait attendre, je prends la direction de la chambre et rassemble mes affaires à mon tour. Le pot en terre cuite de pommade traîne par terre. Il a dû valser lorsque l'enfant-monstre a fait voler la porte de la salle de bain. Je le ramasse et le garde en main. En revenant dans le couloir, je constate qu'il est toujours là. Lui ayant dis plus tôt qu'il pouvait le garder, je lui tends le pot en levant les yeux vers lui.

- Il est à toi maintenant, alors garde-le.. Il faut trouver ce savant fou et l'arrêter au plus vite. Ensemble ?

Pensant qu'il allait ranger ce pot dans son sac ou dans l'une de ses poches, je ne peux m'empêcher de sursauter lorsque je sens ses doigts appliquer la pommade sur mes griffures. Elle n'est pas vraiment nécessaire, mais je ne dis rien et me laisse faire. Je crois bien ne plus avoir la force de faire quoi que ce soit d'ailleurs. Le contre-coup de s'être presque fait égorger par la personne qui est sensée être mon alliée ? Peut-être.. Je ne peux m'empêcher de me dire que je devrai être constamment sur ma garde à l'avenir. Placer une confiance quasi aveugle dans le Kirijin serait une erreur. Je marque une pause dans mon monologue intérieur. Non, ce n'est pas à lui que je ne dois pas faire confiance. C'est à cet espèce de monstre qu'il devient lorsqu'il s'énerve. Mais comment faire en sorte de ne plus avoir à croiser son chemin ? Tenir Shieru par des pincettes et éviter de l'énerver ? Hors de question. Partir ? Non plus. Il faudrait trouver un moyen d'entraver cette chose. S'il est possible d'entraver les Bijuus, il devrait donc être possible de faire de même avec ça non ?

Tout en réfléchissant, je passe ma main sur mes joues afin d'éliminer le reste de larmes. Est-ce que j'ai peur, là tout de suite ? La réponse est non. Et je crois bien que même si la situation était de sorte à devoir m’effrayer, je n'aurai pas la force d'avoir peur tellement je suis vidée. D'ailleurs, je ne réponds même pas aux question de Shieru. Bien qu'ayant écouté ce qu'il m'a dit, à peine a-t-il fini de parler que je ne me souviens plus du début. Je ne suis qu'une loque adossée contre un mur le regard vide. Lors de notre première rencontre à Ame, il s'était transformé de la même manière. J'avais cru qu'il ne s'agissait qu'un rêve à cause de ma fracture du crâne. Me rendre compte qu'un telle chose puis être réelle me tord le ventre. Je dois me rendre à l'évidence : ce monstre me fait peur. Insensible, glacial, méprisant, sanguinaire.. Je ne peux m'empêcher de revoir ses pupilles, appelant au meurtre. Mais reprends-toi bon sang !

Effort psychologique aidant, je reprends des couleurs tout en observant le Kirijin déverrouiller la porte de la chambre voisine à l'aide d'un kunai et d'un shuriken. Cette manière de faire me fait sourire. Où donc a-t-il appris à faire ça ? Passer le reste de la nuit dans cette auberge ne me ravit pas, qui sait ce qui nous attend jusqu'à l'aube.. Mais il est clair que partir maintenant serait encore pire, alors je fais avec. Je le regarde transporter les affaires d'une chambre à l'autre. Certes, j'aurais pu aider, mais rentrer à nouveau dans la chambre et revoir le cadavre de l'enfant-monstre ne me ferait pas vraiment du bien.

'Je ferai en sorte de t'aider'. Je m'esclaffe en entendant ça. C'est très gentil de sa part de se préoccuper des mes problèmes, mais ce sont en l’occurrence les miens, et je n'ai pas, enfin, plus depuis un certain temps, l'habitude de les partager. Tout en entrant dans la 'nouvelle' chambre, j'ouvre enfin la bouche, essayant de faire passer mes paroles avec une touche de dérision et un petit sourire.

- Le Mizukage n'a pas à s'occuper de mes problèmes, qui sont certainement bien minimes par rapport aux tiens ! Mais fais moi plaisir va dormir, je n'ai pas très envie de me retrouver encore une fois face à ton double malsain cette nuit.. Tu me raconteras ton histoire d'élément 115 demain ?

J'espère bien qu'il va m'écouter cette fois-ci ! Ne l'ayant pas fait quand je lui ai proposé la première fois, on a bien vu ce qu'il s'était passé.. De toute manière, je suis encore tellement sur les nerfs que je n'arriverai pas à fermer l’œil, alors que lui en a vraiment besoin. Sachant très bien qu'il allait protester, je n'attends pas de réponse et file au milieu de la pièce.  Je m'assois sur le sol de la chambre en tailleur, baisse la tête, ferme les yeux et me met 'en veille'. Je ne sais pas vraiment comment décrire cet état, on me l'a appris lorsque j'étais au Temple. C'est une sorte de méditation qui permet à la fois de monter une garde et de se reposer. Nous l'utilisions chaque nuit quand nous étions de surveillance. Cet état consiste à 'plonger' dans son chakra. L'attention ne subit rien, au contraire, la zone 'quadrillée' est constamment surveillée, de sorte à ce que si quelque chose d'imprévu s'y passer, le veilleur soit au courant. J'aurai très bien pu rester assise sur le lit à regarder le vide, mais j'aurai tôt ou tard été guettée par la fatigue. Je m'y applique donc, et un étrange cercle bleuté se dégage sur le sol. Certains anciens du Temples disaient que plus le cercle était grand, plus le chakra était pur. Le mien ne l'était pas visiblement, mais je m'en foutais royalement, je n'avais jamais rien loupé durant un tour de garde.

- Et toi arrête de me sous-estimer aussi...

Dis-je en grommelant à moitié. Je ne suis pas une espèce de petit chaton dont il doit se préoccuper plus que ça. Les créatures qui se baladent à l'extérieur sont certes très puissantes et je sais que j'aurais certainement du mal à en vaincre quelques unes à la fois, mais la surprotection du Kirijin n'est pas nécessaire. Je sais appeler à l'aide lorsque la situation dérape. L'esprit d'équipe.. Chose que Shieru ne doit pas voir de la même manière que moi. Et pourtant, la situation serait bien meilleure si nous avions la même vision des choses. Je décide de rester silencieuse, bien que je sente continuellement le regard d'un clone posé sur moi. Au départ, je voulais continuer en lui expliquant que je suis aussi capable de me débrouiller seule, mais je remballe mes paroles. Le stress et la fatigue ne risquent pas de faire bon ménage avec nos caractères de cochons, et le Kirijin aurait sûrement mal interprété ce que je voulais lui faire comprendre.

Les problèmes de Kiri devaient certainement être connus à Iwa, mais je n'en sais presque rien. Après tout, chaque village est dans le même cas tout en essayant de les cacher aux autres. Et même si nous avions eu vent de ce qui se passait à Kiri, je n'y avais jamais prêté grande attention. J'avais assez à faire avec moi-même. Ce silence tendu m'agace, mais ayant personnellement insisté pour qu'il dorme, je prends sur moi. Décidément, il faudra que je sache un jour ce que je veux, au lieu de changer d'avis toutes les cinq secondes.

Perdue dans mes pensées, je ne vois pas les heures défiler. Les premiers rayons matinaux me sortent de ma veille. Le reste de la nuit a été vraiment calme, j'ai presque envie de dire 'ouf'. Je relève la tête et constate que les clones sont toujours là. Est-ce que le véritable Kirijin dort encore ? A-t-il seulement vraiment fermé l’œil ? Ça, j'en doute. Mais au moins il m'aura écouté et était allé se coucher. Je me remémore un par un les événements de la nuit passée. Un léger frisson me parcourt quand je repense aux deux cadavres de la chambre d'à côté, puis je pose ma main autour de mon cou, à l'endroit où Shieru m'avait empoigné. Essayant de faire le moins de bruit possible, je vais dans la salle de bain et m'observe dans le miroir. La trace que j'ai autour du cou partira dans quelques heures, les griffures sont déjà cicatrisées grâce à la pommade. Je soupire puis file prendre une douche.

De retour dans la chambre, je suis relativement de bonne humeur ! A quoi bon rester maussade ? Nous allons sûrement avoir d'autres accrochages assez difficiles, alors autant profiter de ces moments de répits. Je souris en voyant mon 'colocataire' toujours au fond du lit et ses clones tout autour, dignes gardes du corps. Espérons que lui aussi ait mis sa mauvaise tête de côté aujourd'hui ! Je n'ai pas envie de passer la journée à me prendre la tête avec lui, surtout si c'est pour revivre un cauchemar dès que la nuit tombe.

- Débout le dormeur, le soleil est levé !

Je passe à travers la chambre tout en me séchant les cheveux à l'aide d'une serviette. Tâche qui prend trop de temps à mon goût : ils sont bien trop longs. Voyant le Kirijin s'agiter, j'ouvre les volets, tout en regardant au préalable si une mauvaise surprise m'attendait. Mais non. Le jour effraie-t-il les monstres ? Si c'est le cas, c'est loin d'être déplaisant ! J'ouvre aussi la porte-fenêtre menant au balcon et sort. Un léger vent marin balaye la petite île. Elle est magnifique. Dire qu'une fois la nuit tombée, elle ressemble à un film d'horreur grandeur nature.. Demi-tour, j'empoigne mon sac en m'asseyant sur le lit et en sort quelques friandises typiques de ce pays, que j'avais acheté la veille. Je commence à en mâchouiller une et en tend une autre à Shieru, toujours en souriant.

- Tu en veux ? Je ne connais pas le nom mais c'est très bon.

Le voir faire ses exercices me fait éclater de rire, il vient de tuer me mythe du Mizukage que je m'étais fait. Certes, je sais qu'il n'a pas atteint un tel niveau en claquant des doigts, mais ça, je ne m'y attendais pas ! Je le laisse donc à son entretien matinal et sortant sur le balcon, toujours en train de mâchouiller la barre sucrée que j'ai dans les mains. La mer.. On devrait en mettre une à Iwa. Idée saugrenue et décalée je sais. Et le village si paisible, dont les habitants continuent leur vie comme si ce qui s'était passé cette nuit n'avait jamais existé. Mais comment font-ils pour vivre dans ce cauchemar ?! Si j'étais l'une d'entre eux, simple civile, il y aurait belle lurette que j'aurai fui ! Mais ces gens n'ont rien d'autre que leur maison, leur bateau ou leur étalage au marché.. Ils ne veulent peut-être pas tout abandonner ainsi. Tout abandonner et recommencer ailleurs. C'est parfois la meilleure solution pourtant.

J'adresse un regard étonné au Kirijin quand il parle de manger en ville, puis sourit en acquiesçant même si j'ai toujours ma friandise à la main. Pourquoi pas ? Nous aurons tout notre temps pour qu'il m'explique deux voire trois petites choses sur lesquelles je n'arrive pas à mettre le doigt. Je met mes questions dans un coin de ma tête afin de ne pas les oublier plus tard. Le temps qu'il prenne sa douche, je remet mes affaires en ordre, bien que je n'ai pas sorti grand chose. Je fais un tour au rez-de-chaussée et laisse de l'argent pour le pauvre gérant, qui allait devoir faire refaire toute une partie de l'auberge à cause des événements d'hier soir. En repassant dans le couloir, je suis presque obligée de me boucher le nez tellement l'odeur âcre des cadavres se fait ressentir. Ils ne devraient pourtant pas sentir comme ça.. Je m'approche de l'un d'eux d'un peu plus près, pour essayer de comprendre. Mais n'étant pas médecin, je ne vois pas d'argument valable, la seule chose étant l'état de décomposition un peu trop avancé à mon goût. C'est peut-être l'air marin ? La chaleur ? Va savoir.

A peine rentrée dans la chambre que Shieru sort de la salle de bain, toujours à moitié nu. Je crois bien l'avoir plus vu comme ça qu'habillé ! L'intérêt d'être un homme, pouvoir se promener comme ça sans que personne ne vous dérange.

- Tu devrais savoir que non, tes clones ont monté la garde toute la nuit aussi.

Je réplique en souriant, mais ce n'est pas méchant, pas de quoi prendre la mouche. Ne pas dormir cette nuit avait presque été nécessaire.. Je n'aurai pas aimé me réveiller en sursaut toutes les heures à cause de mes interminables cauchemars, sachant très bien comment ils se terminent. J'attrape mon sac, vérifie que je n'ai rien laissé traîner et c'est parti !

Le voyage jusqu'au village Hamamatsu ne dure pas tout à fait une heure, comme il me l'avait dit la veille. Nous ne parlons pas beaucoup, c'est peut-être parce que je suis omnibulée par le paysage. Si plat ! Comme une gamine qu'on emmène pour la première fois en vacances. Le pire est que la comparaison est assez proche de la réalité.
Hamamatsu est un village de taille moyenne, situé directement au bord de mer, et dont le port est plutôt conséquent. En arrivant, nous avons une superbe vue plongeante dessus, car il est surplombé par une petite et vaste colline recouverte de champs. Je souris gaiement en imaginant la vie florissante que l'on doit croiser la-bas. Rien que le va et vient des bateaux me rend d'autant plus joyeuse. Ce n'est qu'en se rapprochant que je remarque que quelque chose cloche. On ne devrait pourtant plus s'étonner de rien dans ce pays ! Tout le village est entouré d'une sorte de muraille de fortune, et l'entrée gardée par de costauds paysans, armés et au regard soupçonneux.

- Halte-là ! Qui êtes-vous et que venez-vous faire ici ?

Je me retourne vers le Kirijin, espérant à moitié qu'il ne commence pas à tous les tuer. Ces hommes ne paraissent pas mauvais. Au contraire, ce qu'ils font pour leur village est courageux : se mettre en première ligne et protéger les habitants. Ce sont un peu les ninjas du coin, bien que le Pays des Vagues n'ait pas de forces armées. Je réfléchis quelques secondes. Si ces hommes sont là, on peut certainement en conclure que le village n'est pas habité de bêtes nocturnes. J'en soupire de soulagement. Comme Shieru ne répond pas au garde, j'essaie tant bien que mal de m'en charger..

- Nous sommes à la recherche de Shisuke Amateru, le Médecin.

Mentir n'était pas une solution, ces gens pourraient nous être utiles par la suite, et il faut que nous entrions dans le village. Je suis prête à parier que beaucoup d'entre eux peuvent nous en apprendre beaucoup sur ce médecin. Et j'ai tapé dans le mille : les gardes se tournent les uns vers les autres, abasourdis et livides.

- Vous.. Vous êtes des amis à lui ?

- Non, je ne crois pas; nous avons juste deux ou trois questions à lui poser sur ses 'activités'.

Je leur fis un sourire plein de sous-entendus. Ils commencent à paniquer, pensant que nous aussi, nous leur amenons désastres et malheur. Mettant fin à ce malentendu, même si je dois avouer que les faire tourner en bourrique me fait bien rire, je termine.

- Nous pensons qu'il est à l'origine des fléaux qui s'abattent sur ce Pays, et si c'est la cas, nous allons l'arrêter.

- Ah ouais ?! Et vous allez faire comment hein ?! Un gringalet et une mignonette, on a pas besoin de vos services alors bon vent !

Un énorme tas de muscle, barbu et poilu s'était dirigé vers la porte et se tient à présent face à nous. Je suis obligée de lever la tête pour évaluer sa taille, au moins deux mètres. Un véritable colosse, il est presque effrayant ! A voir l'état de soumission des gardes, ce doit être le chef du village.

Hein ?! Je tombe presque à la renverse en écoutant leur conversation. Le sang me monte à la tête, je ne sais pas lequel des deux mérite le plus de se prendre un bon coup sur la tête. Que ce soit Shieru pour s'être littéralement moqué de la sorte ou le chef du village, me prenant pour un objet. J'essaie de me concentrer sur les quelques morceaux de phrases de Shieru qui n'étaient pas source de moquerie pour garde mon calme. 'Tu ne la toucheras pas', certes, c'est absolument hors de question, mais l'entendre sortir d'une autre bouche que la mienne me fait tiquer. J'ai encore le droit de faire ce que je veux non ? Et puis cet idiot qui me met en pari ?! Ma tête doit ressembler à une cocotte-minute prête à exploser, mais je me contente de ruminer le plus calmement possible, pensant déjà à une future vengeance..

Une fois leur simili combat terminé, un silence de mort règne tandis que le gros costaud se relève péniblement. Les gardes se sont un peu éloignés, nous observant comme si nous étions des monstres venus d'un pays lointain, ce qui est presque le cas d'ailleurs. Et Shieru qui arbore son sourire de vainqueur, visiblement très fier de lui ! Je m'approche et lui colle une droite.

- Espèce d'idiot, nan mais ça va pas la tête !? ME parier comme ça ?!

C'est en partie dans ces moments là que j'aimerai avoir de la force dans les bras. Mon coup a bien atteint sa destination, mais sa faiblesse est tellement minable, ce qui m'agace d'autant plus. Il n'a pas dû sentir grand chose, mais la volonté y était pourtant. Je ressemble à une espèce de chaton en furie. Les gardes s'esclaffent en voyant la scène, mais le regard noir que je leur adresse suffit à les faire se calmer. Je me retourne vers le Kirijin pour terminer mon engueulade.

- Et arrête de..

- Du calme la p'tite ! Ton copain a gagné le pari, vous êtes libres d'entrer dans le village. Mais si votre but est d'arrêter le Médecin comme vous le dites, venez me voir demain à l'aube à la mairie, je vous expliquerai en détail l'ampleur de la situation. J'ai d'autres choses à faire aujourd'hui. D'ici là, profitez-donc un peu des richesses du pays !

Le changement d'attitude de l'homme barbu me prend au dépourvu. D'un coup, il a l'air bien plus sage et sympathique que plus tôt. Peut-être que cette petite correction lui a remis les idées en place et qu'il nous prend au sérieux. A la fin de ses paroles, deux des gardes reprennent leur poste en silence. Les autres font l'inventaire de leur matériel et partent vers les champs avec le chef. Le silence revient, la petite attraction de la journée est terminée. Je me retourne vers le Kirijin, puis le dévisage d'une moue boudeuse. Il ne m'a pas encore fait regretter le coup que je lui ai porté, et je sais que ça ne va sûrement pas tarder. Pures chamailleries. Au fond, la scène me fait bien rire aussi, mais j'ai quand même un peu d'amour propre.

Sans attendre plus longtemps, je reprends mon sac, que j'avais laissé traîner au sol depuis le début de l'altercation et nous entrons dans le village. Au départ, j'essaie de surveiller au maximum mes arrières, au cas où le Kirijin risquerait de me faire une 'mauvaise blague', mais ceci sort très vite de mon esprit. Hamamatsu est tellement.. Actif ? Beau ? Dans la rue principale, une rangée presque interminable d’étalages de marchands, de pêcheurs et d'autres personnes déjà un peu plus louches. Plus on s'approche du port, plus la population est dense, entre les pêcheurs qui embarquent et les autres qui débarquent..